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Mastodon : le réseau social décentralisé

Principes, comparaisons et impacts

TL;DR: 

  • Mastodon, c’est un réseau social décentralisé, libre et sans pub. Il fonctionne en fédération d’instances autonomes qui dialoguent entre elles, ce qui redonne le contrôle aux communautés et aux personnes qui publient.
  • Le fil est chronologique et non manipulé par des algorithmes d’engagement. Résultat: moins de bruit, moins de contenus toxiques mis en avant, et souvent un meilleur confort mental.
  • Vie privée: collecte minimale, pas de profilage publicitaire. Vous pouvez choisir votre instance, migrer ailleurs en gardant vos abonnements, ou auto-héberger.
  • Comparatifs rapides
    • X: centralisé, pub, algorithmes, portée énorme mais plus de chaos. Mastodon est plus calme, communautaire, sans pub, avec modération locale.
    • Facebook: tout-en-un et intrusif sur les données. Mastodon est plus sobre, centré sur la discussion publique, pas un clone des groupes/événements.
    • Bluesky: promet la décentralisation mais reste encore assez centralisé; mise sur des fils algorithmiques personnalisables. Mastodon est plus mûr côté fédération et culture communautaire.
    • Matrix: complément pour la messagerie décentralisée et la gestion interne de communauté. Mastodon sert plutôt la communication publique.
  • Limites: démarrage moins intuitif, découverte de comptes plus lente sans algorithmes, audience plus petite et fragmentée, modération distribuée qui demande de bons choix d’instances, écosystème interopérable mais parfois hétérogène.
  • Pour qui: communautés, OBNL, écoles, médias indépendants, collectifs et PME cherchant souveraineté, sécurité et cadre sain.
  • Conseils éclair: choisissez une instance alignée avec vos valeurs, utilisez les hashtags et listes pour découvrir, activez les CW au besoin, et combinez Mastodon pour le public avec Matrix pour l’organisation interne.


Introduction

Les réseaux sociaux dominants comme Facebook ou X (ex-Twitter) sont contrôlés par de grandes entreprises centralisées. Leurs modèles économiques reposent sur la collecte de données et des algorithmes qui maximisent l’engagement des utilisateurs – souvent au détriment de notre bien-être. Ces plateformes décident de ce que nous voyons, exploitent nos informations personnelles pour la publicité, et peuvent même influencer nos émotions ou opinions (avec les conséquences néfastes que l’on connaît sur la santé mentale ou la polarisation du débat public). Face à cela, une alternative a gagné en popularité : Mastodon, un réseau social décentralisé, libre, sans publicité et conçu pour redonner le contrôle aux utilisateurs. Destiné tant au grand public qu’aux professionnels ou aux communautés en quête d’un espace en ligne privé, sécuritaire et éthique, Mastodon promet une expérience différente – plus respectueuse des données personnelles et de la psychologie des usagers.

Dans cet article, nous allons explorer en profondeur ce qu’est Mastodon et comment fonctionne la décentralisation des réseaux sociaux. Nous le comparerons directement à X, Facebook et Bluesky, sans jargon technique, afin de bien saisir ses avantages (et limites) par rapport aux plateformes classiques. Nous verrons également en quoi cette approche peut avoir des parallèles intéressants avec la santé mentale des utilisateurs et la notion de contrôle de son expérience en ligne.

Qu’est-ce que Mastodon ?

Capture d’écran de l’interface web de Mastodon (version 4.3.1). Chaque colonne affiche une partie du service : à gauche, le champ pour publier un message (« pouet »), au centre le fil d’actualité et à droite le menu.

 Au premier abord, l’interface de Mastodon ressemble à celle de Twitter : on y retrouve un fil de messages courts (appelés pouets, jusqu’à 500 caractères) avec la possibilité de répondre, de republier (booster, équivalent du retweet) ou d’ajouter aux favoris. Cependant, Mastodon n’est pas un site unique détenu par une entreprise : c’est un réseau de sites interconnectés. Concrètement, il est composé de multiples serveurs communautaires autonomes (appelés instances) sur lesquels les utilisateurs s’inscrivent. Chaque instance est gérée par une personne ou organisation indépendante, définit ses propres règles, sa langue, son thème, etc., mais toutes peuvent communiquer entre elles. Un utilisateur de mastodon.social peut ainsi suivre et envoyer des messages à un utilisateur de piaille.fr ou mamot.fr, comme s’ils étaient sur le même réseau. Cette architecture distribuée – on parle de fédération – est au cœur du fonctionnement de Mastodon et de l’ensemble du « fédiverse » (l’écosystème des réseaux sociaux fédérés). Mastodon utilise pour cela un protocole ouvert (ActivityPub), également adopté par d’autres services compatibles (par exemple, PeerTube pour la vidéo ou Pixelfed pour la photo), ce qui permet une interopérabilité entre différentes plateformes.

En pratique, Mastodon fonctionne comme un Twitter décentralisé. Le projet a été lancé en 2016 par Eugen Rochko, un développeur allemand souhaitant créer un espace social « démocratique » financé par la communauté (via dons), sans publicité ni propriétaire unique. Longtemps confiné à un cercle d’initiés (souvent des technophiles sensibilisés aux logiciels libres), Mastodon a vraiment décollé fin 2022 lors du rachat de Twitter par Elon Musk, qui a provoqué un exode d’utilisateurs vers cette alternative : le service est passé de ~400 000 à plus de 1,3 million d’utilisateurs actifs en quelques semaines. Depuis, la croissance continue : en décembre 2024 on estimait environ 10 millions d’utilisateurs actifs mensuels répartis sur des milliers d’instances. Cela reste modeste face aux géants (Twitter dépassait 300 millions avant son déclin récent), mais Mastodon s’inscrit dans une tendance de fond en proposant une autre voie, centrée sur la communauté et la transparence.

Le principe de la décentralisation

Logo symbolique du Fediverse (proposition communautaire). Les cinq nœuds interconnectés illustrent un réseau sans centre unique.

La décentralisation signifie qu’aucun serveur central ne contrôle l’ensemble du réseau social. Au lieu d’une plateforme unique (comme Facebook ou Twitter), Mastodon est réparti sur de multiples nœuds indépendants mais reliés entre eux, d’où le terme de réseau fédéré

Le schéma ci-dessus représente bien cette idée : chaque nœud (point coloré) est connecté à tous les autres, formant un maillage collaboratif. Dans la pratique, cela se traduit par l’existence de nombreuses instances Mastodon auxquelles vous pouvez adhérer librement. Chaque instance fonctionne comme une communauté autonome : elle a son propriétaire/administrateur, ses propres règles d’utilisation et sa politique de modération locale. Aucune entité unique ne possède ou ne dirige Mastodon dans son ensemble : le pouvoir est réparti entre les administrateurs bénévoles de chaque serveur et, en fin de compte, entre les utilisateurs eux-mêmes.

Cette architecture apporte plusieurs bénéfices notables :

  • Contrôle individuel et communautaire : Les réseaux décentralisés « appartiennent à la communauté d’utilisateurs, qui décide des usages qui peuvent y avoir cours », souligne un rapport de Renaissance Numérique. Concrètement, cela signifie que les utilisateurs de Mastodon ont la main sur de nombreux aspects : choix du serveur en fonction de ses affinités (on peut rejoindre une instance orientée photo, une instance francophone généraliste, une instance gérée par et pour son organisation, etc.), possibilité de changer de serveur si l’on n’est plus en accord avec sa communauté (sans perdre ses abonnements grâce à la portabilité du compte), et même option de créer sa propre instance Mastodon pour en définir soi-même les règles. À l’échelle du réseau global, aucune autorité ne peut imposer arbitrairement une politique ou censurer l’ensemble des utilisateurs : si un serveur devient problématique, les autres peuvent choisir de le déconnecter (le dé-fédérer), mais il n’y a pas de « bouton rouge » central aux mains d’une entreprise ou d’un gouvernement pour couper Mastodon. Chaque communauté est donc libre, dans le cadre de la loi, de s’auto-organiser comme elle l’entend.
  • Respect de la vie privée : Sur Mastodon, vos données personnelles vous appartiennent. La plateforme ne vous demande pas de renseigner votre nom réel, votre téléphone ou d’autres infos intrusives pour vous inscrire ; une simple adresse e-mail suffit la plupart du temps. Comme le logiciel est open source et que l’écosystème est réparti, il n’y a pas de profilage publicitaire centralisé ni de revente de vos données à des tiers. Mastodon ne collecte et n’exploite qu’un minimum de données, contrairement aux réseaux commerciaux : « il n’y a ni algorithme ni pub », donc pas de raison d’aspirer vos informations à des fins de ciblage. Le site officiel résume d’ailleurs cette philosophie par le slogan « Le réseau social qui n’est pas à vendre » : votre fil est créé et maîtrisé par vous, sans publicité ni suggestions imposées, vos données et votre temps restent les vôtres.
  • Pas d’algorithme manipulateur : Un point clé de Mastodon est l’absence d’algorithme de recommandation dans le fil d’actualité. Les publications des personnes que vous suivez s’affichent dans l’ordre chronologique pur, sans filtrage opaque ni intercalage de contenus sponsorisés ou de suggestions invasives. Vous ne verrez que ce à quoi vous êtes volontairement abonné. « Vous savez mieux que quiconque ce que vous voulez voir sur votre fil principal. Personne ne veut d’un algorithme ou de publicité qui décide à notre place et nous fait perdre notre temps », explique Mastodon sur sa page d’accueil. Cette approche « retour aux sources » procure un sentiment de contrôle accru : finis les flux interminables dictés par l’IA pour capter votre attention. Sur Mastodon, vous paramétrez vous-même votre expérience en choisissant qui suivre, en utilisant éventuellement des listes ou des hashtags pour organiser le contenu. Cela peut sembler déroutant quand on a l’habitude d’être guidé par les suggestions (nous y reviendrons dans les défis), mais beaucoup y voient un soulagement : on reprend la main sur son fil.

En résumé, la décentralisation offre un cadre plus éthique et transparent. Il n’y a pas de PDG de Mastodon pouvant décider d’un changement de politique du jour au lendemain, pas d’actionnaires exigeant de maximiser la monétisation aux dépens des usagers. Le réseau appartient à ceux qui le font vivre. Bien sûr, cette liberté s’accompagne de responsabilités locales (chaque admin d’instance doit maintenir son serveur, faire respecter ses règles, etc.), mais pour les utilisateurs, cela se traduit par une expérience pouvant être modelée à son image, dans une communauté à taille humaine en laquelle on peut avoir confiance.

Avantages pour la vie privée, le contrôle et la santé mentale

L’approche Mastodon ne présente pas que des avantages techniques ou éthiques abstraits : elle peut aussi avoir un impact très concret sur le bien-être des utilisateurs. 

On l’a mentionné : les réseaux centralisés sont souvent critiqués pour leurs effets pervers sur la santé mentale (addiction au scroll infini, anxiété alimentée par les contenus toxiques, pression sociale des « likes », etc.). La conception même de Mastodon vise à atténuer ces problèmes en changeant les règles du jeu : 

  • Moins de collecte de données, plus de vie privée : Mastodon étant un service non lucratif, il n’a aucun intérêt à espionner vos activités. Pas de pixel traqueur qui enregistre vos moindres clics, pas de réclames ciblées en fonction de vos conversations privées (de toute façon, il n’y a pas de publicité du tout sur Mastodon). Par comparaison, des scandales comme Cambridge Analytica ont montré jusqu’où Facebook pouvait aller en détournant les données personnelles à des fins politiques ou commerciales. Sur Mastodon, ce risque est considérablement réduit : vos données ne sont pas une marchandise. Chaque instance a sa politique de confidentialité (certaines n’enregistrent quasiment rien hormis les posts publics), et comme il s’agit majoritairement de petites communautés passionnées plutôt que de multinationales, la tentation d’exploiter les utilisateurs est bien moindre. Pour quelqu’un soucieux de sa vie privée, Mastodon offre ainsi un environnement beaucoup moins intrusif et anonyme par défaut (on peut tout à fait y utiliser un pseudonyme et une adresse e-mail jetable, ce qui est plus compliqué sur Facebook/Instagram par exemple).
  • Fin de l’« économie de l’attention » : « These algorithms exist to maximise engagement… and nothing engages more than controversial, rage-fuelling content » note un observateur à propos des réseaux classiques. Les plateformes commerciales optimisent en effet nos fils pour nous garder en ligne le plus longtemps possible, y compris en exploitant nos émotions négatives (colère, peur, jalousie). Un rapport récent décrit comment l’algorithme de TikTok a pu exposer des adolescentes fragiles à une spirale de vidéos dépressives et d’incitation à l’automutilation, aggravant gravement leur mal-être. De même, une étude sur Facebook révèle que le réseau privilégie les contenus anxiogènes – accidents, maladies, violences – car ils captent l’attention des personnes inquiètes, quitte à empirer leurs troubles émotionnels. Ce piège de l’engagement n’est pas un bug mais une conséquence directe des algorithmes de recommandation optimisés pour la publicité, et il peut sérieusement affecter la santé mentale des usagers. En supprimant ces algorithmes, Mastodon casse ce cercle vicieux. Votre fil n’est plus un flux manipulé par une IA cherchant à vous faire réagir coûte que coûte, mais un simple reflet de vos abonnements choisis. Vous ne verrez pas surgir, par « magie » algorithmique, le dernier sujet à polémique ou une vidéo choc que vos contacts n’ont pourtant pas partagée. Moins de sollicitations indésirables, c’est moins de stress numérique. D’ailleurs, un think tank français souligne que s’attaquer à l’architecture même des recommandations pourrait être un levier majeur pour diminuer les effets néfastes des réseaux sur la société et le mental des individus. Mastodon propose justement une expérience sans recommandation automatique, et de nombreux utilisateurs rapportent que l’ambiance y est plus sereine.
  • Choix des communautés et modération adaptée : Un autre aspect important pour le bien-être est la qualité de l’environnement social. Sur les grands réseaux, on subit souvent une modération et des règles uniformes (parfois laxistes) qui peuvent laisser prospérer des comportements toxiques à grande échelle. Mastodon, en revanche, permet de choisir une communauté avec des règles alignées sur vos valeurs. Par exemple, certaines instances Mastodon interdisent strictement les discours de haine, le harcèlement ou la pornographie non consensuelle, et les administrateurs y veillent de près. Si ces enjeux vous tiennent à cœur, rejoindre une telle instance vous garantit un fil plus sain que, disons, le Twitter global où l’on pouvait croiser beaucoup de contenus violents ou extrêmes mis en avant par le trending topic. Chaque serveur Mastodon ayant sa charte, vous pouvez trouver l’endroit où vous vous sentirez en sécurité. Et si, malgré tout, une personne vous importune, les outils classiques existent (bloquer, masquer, signaler aux modérateurs locaux). Aucun algorithme ne viendra mettre en avant des trolls dans votre timeline simplement parce qu’ils font de l’audience. Bien sûr, cela ne veut pas dire que Mastodon est un monde de bisounours : des propos haineux ou désagréables peuvent apparaître si vous suivez une mauvaise personne ou si votre instance fédère avec une communauté problématique. Mais vous avez alors le pouvoir de régler rapidement le souci (se désabonner, demander à votre admin de bloquer l’instance toxique, etc.), là où sur un réseau centralisé vous dépendriez des décisions d’une équipe distante priorisant parfois la liberté d’expression à tout prix. En somme, Mastodon facilite la création de petites bulles communautaires positives – ce que recherchent nombre de personnes en quête d’échanges constructifs en ligne.
  • Interactions plus humaines, moins de course aux « likes » : Sur Mastodon, l’absence de métriques de popularité trop mises en avant (pas de compteur de retweets public par exemple, pas de bouton de quote-tweet pour propager un clash hors de son contexte) tend à réduire la pression sociale et la viralité malsaine. Les utilisateurs décrivent volontiers des échanges plus posés et authentiques. « I’ve made so many friends on Mastodon because I can actually talk to people instead of getting buried by algorithms that reward meaningless numbers over actual interaction », témoigne ainsi un habitué. L’accent est mis sur la conversation et le partage d’intérêt, plutôt que sur la performance ou le buzz. Il n’y a pas de « course aux followers » pour devenir influenceur, puisque de toute façon la portée reste relative à la taille modeste de l’instance et qu’aucun algo global ne va catapulter un contenu au hasard sur tous les écrans. Cette sobriété numérique peut être rafraîchissante et bénéfique psychologiquement : on se compare moins aux autres (moins de jalousie ou de sentiment d’échec par rapport aux vies soi-disant parfaites mises en scène, problème bien documenté avec Instagram), on ressent moins le besoin compulsif de vérifier ses notifications (puisque l’activité est moindre et plus calme), et on peut même oublier le réseau pendant quelques jours sans crainte de « rater » un événement majeur (de toute façon, en revenant, les messages non lus seront toujours là dans l’ordre, rien n’aura disparu d’un coup parce que l’algorithme en a décidé ainsi). En somme, Mastodon encourage à utiliser le réseau social à son propre rythme, de manière plus maîtrisée – un atout pour préserver sa santé mentale.

Comparaisons avec X, Facebook et Bluesky

Pour mieux situer Mastodon, examinons ses différences avec trois plateformes emblématiques : X (Twitter), Facebook et Bluesky. Chacune a son approche, et Mastodon se démarque sur plusieurs points clés :

  • X (Twitter) : Lancé en 2006, Twitter (devenu X en 2023) a popularisé le concept de microblogage public. La grande différence est qu’il s’agit d’une plateforme centralisée et commerciale détenue par une entreprise (aujourd’hui Elon Musk). Le fil d’actualité de X est largement régi par des algorithmes qui mettent en avant des tweets en fonction de vos interactions passées et de ce qui génère le plus de réactions sur l’ensemble du réseau. La publicité est omniprésente, et X collecte énormément de données pour affiner son ciblage. Mastodon, à l’opposé, ne comporte ni pub ni algorithme de classement des posts. Vous n’y voyez que les contenus des comptes que vous suivez, classés par ordre chronologique. Côté modération, Twitter applique une politique unique (et parfois fluctuante) à tous les utilisateurs, avec une équipe centralisée – ce qui peut donner l’impression de décisions arbitraires ou incohérentes. Sur Mastodon, chaque instance a ses propres règles et modère localement sa communauté. Cela offre plus de souplesse : par exemple, une instance dédiée aux LGBTQ+ peut avoir des règles strictes contre l’homophobie et bannir immédiatement un utilisateur insultant, sans dépendre d’un signalement perdu parmi des millions d’autres. En revanche, Mastodon n’ayant pas de modération globale, un utilisateur banni d’une instance peut toujours tenter sa chance sur une autre – il faut donc une vigilance collaborative entre admins (nous y reviendrons dans les limites). En termes d’audience, X reste d’une ampleur sans commune mesure : plus de 300 millions d’utilisateurs actifs (avant sa baisse récente) contre seulement quelques millions pour Mastodon. Un tweet viral peut faire le tour du monde en minutes, alors qu’un pouet Mastodon touchera un cercle plus restreint. Pour une marque ou une personnalité, Twitter conserve une portée gigantesque que Mastodon n’offre pas (du moins pas encore). Cependant, cette viralité de X a pour contrepartie le chaos qu’on lui connaît : rumeurs qui s’enflamment, harcèlement de masse, bots et spam omniprésents… Mastodon, de par sa fragmentation en petites communautés, évite en grande partie ces travers. C’est un choix entre le méga-phone planétaire (Twitter) et la discussion de salon (Mastodon) : tout dépend de vos besoins. À noter enfin : X est devenu une plateforme semi-payante (comptes certifiés payants, fonctionnalités avancées réservées aux abonnés), alors que Mastodon est gratuit et le restera, financé par des dons et géré par une association à but non lucratif.
  • Facebook : Mastodon est souvent comparé à Twitter, mais qu’en est-il de Facebook ? Le concept est différent (Facebook repose sur des profils réels, des amis mutuels et des groupes privés, là où Mastodon est plus tourné vers la publication ouverte à des inconnus, façon Twitter). Néanmoins, sur l’aspect centralisation vs décentralisation, la distinction est similaire. Facebook est l’exemple type du réseau hégémonique tout-en-un : tous les utilisateurs du monde sont sur la même plateforme, aux mêmes conditions d’utilisation dictées par Meta (la maison-mère). Cela donne une puissance inégalée pour retrouver n’importe qui facilement, mais aussi un pouvoir énorme à l’entreprise sur les contenus. Modération et censure : Facebook peut supprimer un post ou bannir un compte sur tout le réseau en un clic, si cela enfreint ses standards – c’est à la fois sécurisant (lutte coordonnée contre le terrorisme, par ex.) et inquiétant (une erreur de modération peut réduire au silence quelqu’un globalement, sans recours facile). Mastodon, lui, ne permet pas qu’un seul acteur censure tout le monde : comme évoqué, la modération est distribuée. Une instance qui applique des règles abusives verra simplement ses membres partir ailleurs. Sur la vie privée : Facebook est souvent montré du doigt pour son appétit insatiable en données personnelles. Non seulement tout ce que vous faites sur la plateforme est suivi, mais Facebook piste aussi votre navigation sur d’autres sites via ses boutons Like, et a été impliqué dans des exploitations douteuses de données (profilage politique, etc.). Mastodon, de son côté, respecte vos données. Il n’y a pas de tracking publicitaire, pas de vente de données. Chaque serveur Mastodon héberge localement les données de ses utilisateurs et en a la responsabilité, mais vous pouvez décider de migrer vos données vers un autre serveur si vous perdez confiance. En rejoignant Mastodon, vous n’êtes pas contraint d’abandonner votre identité numérique à un géant de la tech. Sur le fil d’actualité : Facebook est tristement connu pour son algorithme qui met en avant les contenus suscitant le plus d’interactions, souvent en exploitant nos émotions. Des analyses ont montré que Facebook encourage la diffusion de contenus polémiques ou anxiogènes pour garder les gens connectés, quitte à nuire à leur bien-être. Facebook a beau offrir des outils pour essayer de filtrer son fil (masquer tel type de post, etc.), en réalité le contrôle utilisateur reste très limité : l’algorithme finit toujours par imposer sa logique d’engagement. Mastodon, n’ayant pas d’algorithme de ce genre, évite complètement ce problème. Votre fil Mastodon est plus modeste, moins « optimisé », mais beaucoup plus neutre et maîtrisable. Dernier point : fonctionnalités et usages. Facebook est devenu une plateforme tentaculaire (événements, marketplace, stories vidéo, etc.). Mastodon, lui, se concentre sur le microblogage et la discussion publique. Il ne remplacera pas tout ce que fait Facebook (pas de fonctionnalité native pour créer des événements avec invitations, pas de pages pro avec des avis clients, etc.). En revanche, pour le cœur de l’échange social – publier un message, une photo, commenter, rejoindre un groupe d’intérêt (via une instance thématique par ex.) – Mastodon remplit très bien le rôle, sans les inconvénients de l’écosystème Facebook (publicités invasives, manipulations algorithmiques, vraisemblance d’être surveillé ou censuré à grande échelle). En somme, on pourrait dire que Mastodon offre un réseau social là où Facebook offre un réseau société (avec tous les services intégrés), mais la simplicité de Mastodon est aussi ce qui le rend plus sain et moins intrusif.
  • Bluesky : C’est le petit nouveau des réseaux « alternatifs ». Bluesky a été créé en 2021 sous l’impulsion de Jack Dorsey (cofondateur et ex-PDG de Twitter), avec l’idée de développer un nouveau protocole de réseau social décentralisé. Sur le papier, Bluesky partage une philosophie proche de Mastodon : sortir d’un modèle unique centralisé, donner aux utilisateurs le contrôle de leurs données et de leurs algorithmes de diffusion. En pratique cependant, Bluesky est encore en bêta fermée (accès sur invitation) et opère pour l’instant de façon assez centralisée. Son protocole, appelé AT Protocol, est open source mais développé par une entité privée (Bluesky PBC) qui garde la main à ce stade. Actuellement, tous les comptes Bluesky sont hébergés sur le serveur officiel bsky.social, ce qui revient à une architecture centrale classique – même s’il est techniquement possible de créer d’autres serveurs (quelques petits hébergeurs ont commencé à apparaître). L’objectif annoncé de Bluesky est d’évoluer vers un réseau réellement fédéré où chacun pourrait ouvrir son propre serveur Bluesky, un peu comme on ouvre une instance Mastodon. Mais au moment d’écrire, on n’y est pas encore : Bluesky n’a « qu’un ensemble de règles pour tout le monde et pas de modération au niveau des serveurs ». Autrement dit, la modération est assurée globalement par l’équipe Bluesky, selon une politique unique (similaire à Twitter dans l’esprit). Cela contraste avec Mastodon où chaque serveur décide et peut bloquer des serveurs entiers : sur Bluesky, vous ne pouvez pas (encore) avoir une communauté auto-gérée avec sa charte propre. En revanche, Bluesky innove sur le plan algorithmiques : il propose un concept de algos personnalisés. Par défaut, le fil Bluesky est chronologique (comme Mastodon), mais l’application permet aux utilisateurs de s’abonner à différents flux/algorithmes alternatifs (par exemple un flux « tendances », un flux trié par popularité, ou au contraire un flux ultra-filtré). L’idée est de redonner du pouvoir de filtrage à l’utilisateur : on peut choisir l’algo qui nous convient ou même, à l’avenir, installer des algorithmes créés par des développeurs tiers. Mastodon de son côté reste sur un fil unique chronologique pour tous – ce qui évite les dérives des algos, mais ne permet pas non plus de personnaliser son expérience via autre chose que ses abonnements et filtres manuels. Sur les fonctionnalités pures, Bluesky est encore basique : on peut publier des posts de 300 caractères avec images, liker, repartager, répondre, mais il n’y a pas de messagerie privée chiffrée, pas de sondages, pas d’avertissement de contenu sensible, etc. Mastodon offre déjà tout cela (sauf la messagerie privée chiffrée – les messages privés existent mais ne sont pas chiffrés de bout en bout). Les messages de contenu explicite (CW), les listes d’utilisateurs, les sondages, sont intégrés sur Mastodon, ce qui montre son avance fonctionnelle. Concernant l’identité, Mastodon utilise le format @utilisateur@serveur (comme une adresse e-mail) lié à votre instance d’origine. Bluesky permet, lui, de lier son nom d’utilisateur à un domaine personnalisé (par exemple @votrenom.com au lieu de @votrenom.bsky.social), ce qui fait office de vérification d’identité décentralisée. C’est une approche intéressante pour les marques ou personnalités, différente de Mastodon où la vérification se fait via des liens prouvant le contrôle d’un domaine. Enfin, sur l’esprit communautaire : Bluesky, étant issu de la sphère Twitter et encore très petit, a pour l’instant une culture assez détendue, axée « early adopters » technophiles, avec pas mal de memes et de discussions légères (on le compare à « Twitter en 2009 » en plus sympa). Mastodon, plus ancien et plus divers, possède des communautés établies (beaucoup de développeurs, de journalistes, de militants, etc.) et une culture orientée aide mutuelle et bienveillance. Chaque réseau attire un public un peu différent : Mastodon séduira ceux qui cherchent une alternative éthique, stable et communautaire, Bluesky attirera plutôt les curieux de nouvelles techno sociales qui veulent expérimenter sans renoncer totalement aux codes de Twitter. Les deux ne sont pas incompatibles d’ailleurs : certains utilisent Bluesky pour le fun et Mastodon pour le sérieux. À noter que Meta (Facebook) a lancé aussi son propre Twitter-like nommé Threads, basé sur ActivityPub comme Mastodon, mais qui reste centralisé sur les serveurs de Meta pour le moment – ce qui pose d’autres questions que nous n’aborderons pas ici.
  • Matrix (messagerie) : Pour finir, évoquons Matrix, non pas un réseau social de microblogage, mais un protocole de messagerie instantanée décentralisée souvent cité en parallèle. Matrix est à la communication privée/communautaire ce que Mastodon est à la communication publique. Il permet de créer des salons de discussion fédérés : par exemple, votre groupe local ou votre entreprise peut héberger un serveur Matrix (via un logiciel client comme Element) pour vos échanges internes, tout en étant interopérable avec d’autres serveurs Matrix dans le monde. Comme Mastodon, Matrix est open source, n’appartient à personne en particulier, et mise sur la sécurité (les messages peuvent être chiffrés de bout en bout par défaut) et la souveraineté des données. En termes de gestion de communauté, Matrix offre l’avantage de ne dépendre ni de Slack, ni de Discord : vous pouvez modérer vos propres salons, fixer vos règles (par ex. un canal Matrix d’une communauté peut être aussi strict ou libre que voulu), et aucun serveur central ne peut vous censurer globalement. Matrix et Mastodon sont donc complémentaires : Mastodon pour le fil d’actualité public et les annonces ouvertes, Matrix pour les discussions privées de groupe et l’organisation en temps réel. Les deux partagent une philosophie commune de décentralisation. Si votre objectif est d’avoir un espace en ligne privatisé et contrôlé par votre communauté, Mastodon couvre l’aspect réseau social (posts publics, partages) tandis que Matrix couvre l’aspect chat/échanges directs. De nombreuses communautés libristes ou mouvements citoyens utilisent d’ailleurs les deux : un compte Mastodon pour communiquer vers l’extérieur et fédérer du soutien, et un espace Matrix pour coordonner les membres en interne de façon sécurisée.

Défis et limites de Mastodon

Avoir dressé ce portrait flatteur de Mastodon et du fediverse ne doit pas faire oublier que tout n’est pas rose et que cette approche comporte aussi des défis à considérer. Voici les principales limites ou difficultés rencontrées avec Mastodon :

  • Prise en main et ergonomie : L’expérience utilisateur sur Mastodon peut déconcerter au début, surtout si l’on vient de Facebook ou Twitter. Le fait de devoir choisir une instance lors de l’inscription, par exemple, n’est pas intuitif pour le grand public. Même s’il existe un « guide des serveurs » et des instances généralistes ouvertes à tous, cet écran de choix peut en rebuter plus d’un (“où mes amis sont-ils ?”, “et si je me trompe d’instance ?”). Ensuite, une fois inscrit, se créer un réseau d’abonnements demande un peu d’effort : par défaut, votre fil est vide puisque aucun algorithme ne vous suggère automatiquement des comptes populaires à suivre. Sur Twitter/FB, on est rapidement guidé par les tendances ou des recommandations (« vous connaissez peut-être… ») – sur Mastodon, rien de tel. Cela peut donner la sensation d’« arriver à une soirée déguisée sans connaître personne », comme le décrit avec humour une commentatrice marketing. Il faut alors fouiller via la recherche ou les hashtags pour découvrir des comptes intéressants, ce qui requiert plus de patience et de curiosité. Ce changement d’habitudes a fait que beaucoup de nouveaux venus fin 2022 (lors de l’exode Twitter) n’ont pas persisté sur Mastodon : par exemple, la star Youtube Squeezie s’y était créé un compte mais n’a posté que quelques jours avant de l’abandonner, faute d’y retrouver l’effervescence à laquelle il était habitué. Mastodon travaille à améliorer l’onboarding (par ex. en proposant des « comptes à suivre » lors de l’inscription, ce qui fait débat car certains y voient le début d’un algorithme), mais l’expérience reste moins clé-en-main que sur un réseau centralisé. Il faut être prêt à « apprendre » un peu, ce qui peut freiner l’adoption de masse. En clair, Mastodon est aujourd’hui moins accessible au néophyte moyen, même s’il s’est beaucoup simplifié depuis ses débuts. C’est un compromis entre simplicité d’usage et indépendance : ici, l’indépendance prime, au prix d’une courbe d’apprentissage un peu plus longue.
  • Taille et fragmentation de l’audience : Comme évoqué, Mastodon ne compte que quelques millions d’utilisateurs actifs, répartis de surcroît sur des milliers de serveurs. Cela a des avantages (communautés plus petites, plus soudées), mais aussi des inconvénients évidents : moins de contenus disponibles, moins de diversité de profils, et la probabilité que vos amis n’y soient pas (encore). Pour quelqu’un qui utilise les réseaux sociaux principalement pour garder le contact avec sa famille ou ses connaissances, Mastodon ne pourra remplacer Facebook que si tout son entourage décide de migrer ensemble – ce qui est rare. Mastodon est donc formidable pour rencontrer de nouvelles personnes partageant vos centres d’intérêt (par exemple, la communauté scientifique ou artistique y est très active sur certaines instances), mais moins bon pour maintenir un réseau social existant de proches (où Facebook domine toujours). Du côté professionnel ou médiatique, Mastodon reste aussi peu fréquenté : les entreprises, marques et médias traditionnels sont prudemment présents sur Mastodon mais n’y investissent pas autant d’énergie que sur Twitter ou Instagram où se trouve l’audience massive. Ceci dit, pour certains publics de niche, Mastodon devient un refuge : développeurs open source, artistes indés, militants des libertés numériques, etc., y trouvent une audience certes réduite mais engagée et de qualité, ce qui leur suffit amplement. On peut voir Mastodon non pas comme un réseau pour remplacer Twitter/FB auprès du grand public, mais comme un réseau pour ceux qui veulent autre chose, fût-ce au prix d’une audience plus restreinte. Par analogie, c’est un peu la différence entre aller à un gigantesque salon grand public vs rejoindre un club privé de passionnés : on touche moins de monde, mais on y gagne en pertinence des échanges. Chacun doit voir si cela correspond à ses objectifs.
  • Modération et contenus problématiques : La décentralisation de Mastodon est un couteau à double tranchant concernant la modération. D’un côté, comme on l’a vu, chaque instance peut appliquer des règles très strictes et créer un environnement bien modéré localement. De l’autre, l’absence de supervision centralisée fait que des contenus illégaux ou nocifs peuvent circuler plus librement d’une petite instance à l’autre avant d’être stoppés. Par exemple, en juillet 2023 une étude de l’Observatoire Internet de Stanford a identifié sur Mastodon des contenus pédopornographiques qui avaient échappé aux radars, là où sur Twitter ou Instagram de tels contenus (interdits par la loi) sont détectés et supprimés plus rapidement grâce à des technologies centralisées. Le problème, c’est que chaque instance Mastodon repose sur des bénévoles qui n’ont pas forcément les outils ni les moyens humains de scanner proactivement tous les messages/images à la recherche de matériel illicite. Mastodon ne dispose pas (par choix ou par contrainte technique) de systèmes automatisés globaux de type PhotoDNA (outil de Microsoft pour repérer les images pédopornographiques connues) ou de bases partagées de hachages de contenus terroristes, etc. Il faut donc que les admins collaborent et se fassent confiance pour se signaler les problèmes. Dans le cas de l’étude Stanford, la communauté a réagi : les instances hébergeant ces contenus ont été dé-fédérées (exclues) par les autres, et des discussions sont en cours pour intégrer davantage d’outils de modération automatisés interopérables dans le fediverse. Néanmoins, le risque existe que des groupes malveillants profitent de petites instances tolérantes pour diffuser des contenus extrêmes (haineux, complotistes, etc.) à l’abri du regard de la majorité. Ce contenu ne « montera » pas dans votre fil si votre instance ne fédère pas avec eux, mais il fait malgré tout partie de l’écosystème. C’est un défi pour l’avenir : comment concilier la décentralisation avec une sécurité globale des utilisateurs ? Les législateurs commencent à s’y intéresser (ex : lois pour responsabiliser les hébergeurs d’instances), et la fédération elle-même évolue (par exemple, les administrateurs partagent des ban-lists communes pour bloquer les pires serveurs connus). En résumé : si vous rejoignez Mastodon sur une instance sérieuse, vous avez peu de chances de tomber sur des contenus choquants par hasard (probablement moins qu’en scrollant TikTok ou Twitter) ; en revanche, le réseau pris dans son ensemble n’est pas imperméable aux abus et repose beaucoup sur la réactivité de la communauté pour s’auto-policer. C’est un équilibre délicat à maintenir.
  • Interopérabilité incomplète et fragmentation logicielle : Techniquement, Mastodon fait partie du fediverse aux côtés d’autres applications (PeerTube, Pixelfed, etc.). Cette ouverture est un avantage, mais elle signifie aussi qu’il n’y a pas une expérience utilisateur unifiée. Par exemple, si vous suivez depuis Mastodon un compte PeerTube (plateforme vidéo fédérée), vous verrez bien les nouvelles vidéos publiées par ce compte, mais pour les visionner vous devrez parfois passer par l’interface de PeerTube (selon le client Mastodon utilisé). Certaines fonctionnalités présentes sur un logiciel du fediverse n’existent pas sur un autre. Mastodon lui-même évolue vite, mais pas toujours aussi vite que le souhaiteraient les utilisateurs venant de Twitter. Il a longtemps manqué la fonction de « citation » (quote-post) par exemple : on ne pouvait pas partager le message de quelqu’un en ajoutant son commentaire, ce qui perturbait les nouveaux arrivants habitués à retweeter avec commentaire. Les développeurs de Mastodon ont fini par plancher sur une implémentation plus saine de cette fonction (pour éviter le cyberharcèlement amplifié que peuvent créer les retweets avec commentaire). De manière générale, Mastodon privilégie la sobriété fonctionnelle pour consolider le réseau et ne pas nuire à la vie privée : certaines choses arriveront plus lentement (par exemple, la vidéo en direct n’est pas encore possible directement dans Mastodon, même si des solutions existent via PeerTube). Il faut accepter que Mastodon n’a pas les milliards de Meta ou Twitter : c’est un projet communautaire qui avance à son rythme. Enfin, la diversité des applications et interfaces (web, applis mobiles officielles ou tierces, etc.) fait que l’expérience peut varier : telle app propose déjà une fonctionnalité X quand une autre ne l’a pas encore implémentée, etc. Cela peut dérouter au début (quel client choisir ? celui de l’App Store ou un alternatif ?). La bonne nouvelle, c’est que cette effervescence signifie que vous avez le choix : si l’interface par défaut de mastodon.social ne vous plaît pas, vous pouvez utiliser une app tierce avec une UI différente, ou même accéder à plusieurs instances via un multiclient. Cette modularité est un atout de l’écosystème ouvert, mais elle implique de bricoler un peu selon vos préférences, là où un Facebook vous impose son interface unique.


Conclusion

En conclusion, Mastodon incarne une vision renouvelée des réseaux sociaux, axée sur la décentralisation, l’éthique et la repriorisation de l’utilisateur par rapport aux algorithmes. Il offre une alternative concrète pour tous ceux – individus, communautés, organisations – qui souhaitent un espace en ligne libre, sans exploitation commerciale de leurs données, et maitrisé collectivement. En remettant les rênes aux utilisateurs, Mastodon permet de créer des environnements sociaux en accord avec nos valeurs et nos besoins spécifiques : on peut y bâtir une petite communauté soudée et bien modérée, à l’abri du vacarme des plateformes de masse.

Certes, rejoindre Mastodon aujourd’hui demande un petit effort d’adaptation et le réseau n’a pas (encore) la portée universelle de Facebook ou Twitter. Mais les bénéfices à long terme sont significatifs. Du point de vue de la santé mentale, par exemple, on y échappe largement aux mécaniques anxiogènes et addictives dénoncées sur les réseaux classiques. Du point de vue de la souveraineté numérique, on reprend contrôle de ses données et de l’outil lui-même (grâce à l’open source et à la possibilité de s’auto-héberger). Et du point de vue communautaire, on retrouve une échelle humaine, qualitative, où l’on peut vraiment échanger sans être noyé dans un océan anonyme.

En somme, Mastodon ne remplacera pas d’emblée les géants privés pour tout le monde – et ce n’est pas sa mission. Il trace plutôt un chemin alternatif, celui d’un Web social plus humain, interopérable et respectueux. À l’heure où les dérives des réseaux centralisés préoccupent de plus en plus (jusqu’aux régulateurs qui tentent de légiférer sur les algorithmes et les contenus nuisibles), Mastodon et le fédiverse représentent une bouffée d’air frais et un retour à l’esprit originel d’Internet : un réseau décentralisé de pairs à pairs, au service de ses usagers et non d’intérêts commerciaux. Si vous aspirez à une présence en ligne plus sereine, privée et maîtrisée, n’hésitez pas à faire le saut – de nombreuses communautés bienveillantes vous y accueilleront. Comme on dit souvent sur Mastodon : « Bienvenue dans le fédiverse » 😊.


Sources :

  • Mastodon – « Le réseau social qui n’est pas à vendre », présentation officielle (2025)joinmastodon.org
  • Zoom sur Mastodon : un autre concurrent de XBlog Swello (2024)swello.comswello.comswello.com
  • Renaissance Numérique – Réseaux sociaux décentralisés : vers un Web3 éthique ? (2023)
  • Action Santé Mondiale – Tech & santé mentale : mon réseau, ce bourreau ? (2024)
  • Stanford Observatory – Étude sur la modération dans Mastodon (résumé par Le Clin d’œil Fnac, 2023)
  • Electronic Frontier Foundation – What’s the Difference Between Mastodon, Bluesky, and Threads ? (2024)
  • SocialBee – Mastodon vs Bluesky : How are they different ? (2024)
  • Privacy Guides – Guide des réseaux sociaux décentralisés (2023)
  • Wikimedia Commons – Screenshots of Mastodon (images, CC0)commons.wikimedia.orgcommons.wikimedia.org; Fediverse logo proposal (image, CC0)commons.wikimedia.org
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